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Première et quatrième de couverture de l'album
Jean Monnet, bâtisseur d’Europe
par
Jeanne Puchol et
Catherine Cazalé
Mise en couleur : Isabelle Labbé
PVP : 12,50 €
21 x 29,5 cm, 56 pages couleur - Cartonné - ISBN 2-84856-075-4 - EAN 9782848560755
En librairie depuis le 2 octobre 2006, cependant il faut souvent le commander,
nos amis libraires étant envahis par les publications chaque semaine.
A la veille du cinquantième anniversaire des traités de Rome (25 mars
1957) instituant la CEE et l’Euratom, Arthur, Carmen, Emilie, Lucas et
Malika, élèves du Lycée Jean Monnet de Cognac, décident de créer un
site internet sur la vie et l’œuvre de Monnet. Mais comment retracer,
sur un mode interactif, le parcours de ce discret et infatigable
constructeur d’Europe ? En demandant à ce singulier Charentais de
réapparaître quelques heures... Chacun à son tour, les cinq lycéens
s’entretiennent avec Jean Monnet. Dans ce passionnant récit, on voit
Monnet poser les jalons de l’Union européenne, dès le début de la
Grande Guerre. Sa route croise celles de Churchill, Roosevelt, Tchang
Kai-Chek et de Gaulle... Sa nomination à la direction du Commissariat
au Plan (1946) offre à Jean Monnet la possibilité de réconcilier la
France et l’Allemagne dans le grand projet de la CECA, que lance Robert
Schuman en accord avec Konrad Adenauer le 9 mai 1950. Le Benelux et
l’Italie adhèrent immédiatement à l’entreprise franco-allemande. Devenu
président de la Haute Autorité de la CECA, Monnet aura été l’un des
initiateurs des traités de Rome.
Destiné prioritairement aux lycéens, cet album - rendu
très vivant par l’alternance de scènes au présent et d’évocations du
passé - est basé sur une documentation irréprochable et peut intéresser
un large public.
Publié avec le soutien de la Région Poitou-Charentes.
Un document pédagogique d’exploitation dans les classes est en préparation au CRDP du Poitou-Charentes.
L'album est également soutenu parle conseil général de la Charente.
et le Ministère des Affaires Étrangères.
Jean Monnet, builder of Europe
by Catherine Cazalé and Jeanne Puchol
On
the eve of the 50th anniversary of the Treaty of Rome (March 25 1957),
which established the EEC and Euratom, Arthur, Carmen, Emilie, Lucas
and Malika, students at the Jean Monnet Secondary School of Cognac,
decide to create an Internet site on the life and work of Monnet. But
how to portray in an interactive mode the career of this discrete and
untiring builder of Europe ? And how to resurrect for a few hours this
singular native of the Charente ? Each in turn, the five students
converse with Jean Monnet. In this exciting account we observe Monnet
as, from the beginning of the First World War, he paves the way for the
European Union. His path crosses that of Churchill, Roosevelt, Tchang
Kai-Check and de Gaulle … His nomination as head of the Plan (1946)
allows him to reconcile France and Germany to the grand project of the
ECSC, which is launched by Robert Schuman in accord with Konrad
Adenauer on 9th May 1950. The Benelux countries and Italy immediately
adhere to the Franco-German undertaking. Nominated President of the
High Authority of the ECSC, Monnet was one of the originators of the
Treaty of Rome.
Primarily destined for secondary school students,
this album – enlivened by alternating scenes of the present and
recollections of the past – is based on irreproachable documentation
and will be of interest to a wide audience.
It is published with the
support of the Poitou-Charentes Region. A teaching document for use in
class is in preparation in association with the PDRC (pedagogic
documentation and research centre) of Poitou-Charentes. (Traduit du
français par Vicky Cole-Till).
Dédicace de l'album “Jean Monnet, bâtisseur d'Europe” le cadre de Lire en fête
Merci à tous ceux qui sont passés nous voir dans la salle d'armes de la Conciergerie à Paris
© Fabien Cazenave
Vous aurez reconnu Jeanne Puchol à droite de la photo
et moi-même à gauche.
Un merci tout particulier aux représentants de l'association des Jeunes Européens.
Ils ont un magazine en ligne "Le Taurillon”. Leurs aînés ont eux aussi un site intitulé
Mouvement européen
Et si vous cherchez Les Jeunes européens fédéralistes, cliquez de nouveau.
Interview de Catherine Cazalé et de Jeanne Puchol par Laurent Lessous
Comment avez-vous été amenées l'une à écrire un scénario de BD sur la vie de J. Monnet et l'autre à la dessiner ?
Catherine Cazalé :
Tout à fait par hasard. Avant de rencontrer Jeanne Puchol, la BD était
aussi éloignée de moi que la comète de Halley. En janvier 2005,
l’éditeur Thierry Groensteen a proposé à Jeanne de réaliser une BD sur
Monnet à paraître l’année suivante. Lorsque Jeanne m’en a parlé, elle
m’a confié que, compte tenu des délais, il lui serait impossible de
faire le dessin et le scénario, celui-ci exigeant, en amont, un travail
historique rigoureux. Je me suis donc proposée d’écrire le scénario
parce que, en Européenne convaincue, l’idée de faire découvrir, aux
jeunes générations, la vie et l’œuvre d’un des pères de l’Europe, dans
un album de bande dessinée, me motivait. J’ai donc rédigé un synopsis
que j’ai envoyé, Thierry Groensteen. Il l’a accepté et l’aventure a
commencé.
Jeanne Puchol : En effet j’ai hésité un certain temps : la biographie en bande dessinée me
semble un genre périlleux, je n’en connais pas d’exemple réussi. Et
comme Catherine vient de le préciser, le temps imparti pour mener à
bien la bio de Monnet me semblait insuffisant pour que j’accomplisse
moi-même le travail de recherche historique. À quel scénariste
m’adresser ? Quand Catherine m’a proposé de relever le défi, j’ai été
immédiatement convaincue que, néophyte en bande dessinée, elle
trouverait des solutions scénaristiques originales. Je ne me suis pas
trompée, non ?
Quelles ont été les différentes étapes de votre travail ? Quelles sont vos sources principales ?
C.C.: Quand
on s’attaque à une biographie, la première étape du travail consiste à
lire attentivement les ouvrages écrits par la personnalité dont on doit
retracer la vie et l’œuvre. Dans le cas de Jean Monnet, le livre de
référence est et reste ses “Mémoires“ parues aux éditions
Fayard en 1976. Ce livre est donc devenu mon livre de journée et de
chevet pendant toute l’élaboration des pages historiques du scénario.
Après lecture et relecture des “Mémoires“ de Monnet, nous avons fait le
voyage de Lausanne pour rencontrer le professeur Henri Rieben,
président de la Fondation Jean Monnet pour l’Europe, créée par Monnet
en 1978. A l’issue de l’entretien, il nous a offert des livres, dont “A L’écoute de Jean Monnet”1 et un film (VHS) dans
lequel Jean Monnet évoque quelques figures de la construction
européenne. “A L’écoute de Jean Monnet“ devint mon second livre de jour
et de chevet. D’autres ouvrages m’ont accompagnée tout au long de mon
travail d’écriture, le Jean Monnet2 d’Eric Roussel, l’excellent “L’Europe petite histoire d’une grande idée3“ de Benjamin Angel et Jacques Lafitte, “Jean Monnet, l’Eu et les chemins de la paix4“ de Gérard Bossuat et Andreas Wilkens, “l’Histoire de la construction européenne de 1945 à nos jours5“ de Marie-Thérèse Bitsch, “Après l'Etat-nation. Une nouvelle constellation politique6”, de Jürgen Habermas. Pour compléter mes lectures, je surfais quotidiennement sur Internet.
Hormis les deux sites consacrés à Jean Monnet et Jean Monnet, je me suis abreuvée au site luxembourgeois
"European Navigator, Centre Virtuel de la Connaissance Européenne",
qui offre, en ligne, une impressionnante documentation papier,
photographique, audio, vidéo, etc. Mais aussi à celui du centre européen Robert Schuman et, bien sûr, à tous les sites officiels dédiés à l’Europe, dont l'Ec. Europea
qui permet de télécharger les très précieuses 12 leçons sur l’Europe de
Pascal Fontaine, ancien collaborateur de Jean Monnet et professeur à
l’Institut d’études politiques de Paris.
Telles
ont été mes sources principales. A ce stade, j’aurais pu écrire un
scénario linéaire mettant en scène les événements clefs de la vie et de
l’œuvre de Jean Monnet, de sa naissance à son entrée au Panthéon. Mais
le fait que notre éditeur nous ait spécifié que la bande dessinée
devait, en priorité, s’adresser à des lycéens, me donna envie d’en
faire des protagonistes enquêtant sur Monnet. Le scénario présente donc
deux niveaux narratifs. L’un historique (renvoyant au passé) et l’autre
fictif (axé sur le présent). Comme il s’agissait d’un récit en images,
j’ai demandé à Jeanne de les accentuer en adoptant une mise en couleur
distincte. Passé et flash back sont donc en sépia et le présent en
quadri.
J.P.: Pour
les passages historiques, j’ai utilisé les images de « À l’écoute de
Jean Monnet » et d’un très bel album sur la déclaration Schuman, deux
livres offerts par Monsieur Rieben. Tous deux abondamment illustrés en
ce qui concerne Monnet et ses collaborateurs. J’ai beaucoup surfé sur
le site de la Fondation ainsi que sur celui de l’Association Jean
Monnet. J’ai complété avec des images trouvées sur Internet, en
particulier sur les sites des institutions européennes, avec, comme l’a
dit Catherine, une mention particulière à l’European Navigator
luxembourgeois, qui s’est révélé être une mine inépuisable. Pour les
grands épisodes historiques, comme les deux guerres mondiales, j’ai
travaillé à partir de livres trouvés en bibliothèque. Et puis j’ai
pioché dans mes archives personnelles pour des choses aussi diverses
que les uniformes des soldats anglais de la 1ère Guerre, les affiches
de la Guerre froide ou la Chine des années 30…
Pour les passages
contemporains, j’ai réalisé une première série de photographies sur le
lycée Jean Monnet de Cognac, les chais Jean Monnet et Cognac.
Puis est venue la création des personnages. Pour les adolescents, je me suis
inspirée de nos neveux, nièces et d’autres jeunes que j’ai croqués dans
la rue à Cognac.
J.P.: Comme
le dialogue entre les lycéens tourne essentiellement autour de Jean
Monnet, il fallait les caractériser, j’ai donc associé à chacun un
style vestimentaire bien marqué qui permet à la fois de les identifier
immédiatement et de compléter leur « profil » psychologique.
Côté personnages secondaires, le proviseur est fidèle à la réalité alors que la prof d’histoire-géo est inventée.
Et
Jean Monnet ? Comment le représenter en 2006-2007, lorsqu’il rencontre
les lycéens ? Quel âge lui donner ? Comme je n’ai pas trouvé de réponse
à ces questions, je me suis débrouillée pour qu’on ne voie jamais son
visage : pénombre, personnage de dos ou de trois quarts dos, amorces,
chapeau… En revanche dans les séquences sépia, je l’ai représenté tel
qu’il était aux périodes évoquées.
Pouvez-vous
nous présenter par exemple ces différentes étapes jusqu’à la planche
finale ? ( Source écrite, synopsis, story-board, crayonné, planche
éditée)
C.C.: Pour ma part, j’ai pris le parti du découpage chronologique :
1888-1914, Enfance de Jean Monnet à Cognac, 1ers voyages à l’étranger (City de Londres et Winnipeg au Canada)
1916-1918,
sa participation au bureau commun de ravitaillement allié pendant la
Grande Guerre (mise sur pied du Wheat executive et d’un Pool maritime).
1919-1923, sa nomination au secrétariat général de la S.D.N
1923-1927, son action dans le redressement de l’entreprise familliale à Cognac
1927-1928, sa contribution au relèvement économique de la Pologne et de la Roumanie.
1929, sa co-présidence de la Bancamerica-Blair à San Francisco et sa rencontre avec sa future épouse Silvia de Bondini
1934-1936, sa présence en Chine comme conseiller de Tchang Kai-Check
1938, sa mission secrète auprès des Etats-Unis pour y acheter des avions de guerre américains (à l’instigation de Daladier).
1940, son projet d’Union totale franco-britannique.
1942, son rôle déterminant à Washington dans la conception et la mise en œuvre du “Victory Program” de Roosevelt
1943,
son séjour à Alger et sa participation au 1er gouvernement de la France
libre (jusqu’en 1945), pour organiser l’armement des Forces Françaises.
1945, son installation à Houjarray
1946-1950, sa nomination à la présidence du Commissariat au Plan.
1950, sa mise en forme de la CECA (Plan Schuman).
1952-55, sa présidence à la Haute Autorité de la CECA.
1955, sa création du Comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe.
1955-1975,
son rôle décisif dans les étapes successives de la construction
européenne : Traités de Rome : C.E.E et EURATOM (1955-57), entrée de la
Grande-Bretagne dans la Communauté (1961-1963), Conseil Européen
(1972-75), élection du Parlement Européen au suffrage universel, union
monétaire…,
1976-1979, sa retraite active à Houjarray (Yvelines) où il rédige ses Mémoires 1979, son décès
1982, décès de Silvia, épouse de Monnet. La Maison d’Houjarray devient propriété du Parlement européen
1988, le transfert de ses cendres au Panthéon.
Pour rendre vivante l’histoire des grandes étapes de la
vie de Monnet, je le fais réapparaître et rencontrer, chacun à son
tour, les cinq élèves du lycée de Cognac qui enquêtent sur son œuvre
pour créer un site Internet dynamique. Qui à Cognac, qui à Paris, qui à
Houjarray, qui à Alger, qui à Rome.
Le
sujet des entretiens entre
Monnet et les lycéens est pris dans le plan (ci-dessus). Par exemple,
les années 1943-1945, pendant lesquelles Monnet est à Alger et devient
membre du 1er gouvernement de la France libre, sont racontées par Jean
Monnet à Malika, à Alger même (page 30).
Si
j’ai choisi de faire raconter par Jean Monnet l’épisode d’Alger à
Malika, plutôt que celui de la débâcle française, c’est parce-que
Malika, est d’origine franco-algérienne. Bien qu’étant un personnage de
fiction, l’identité mixte de Malika est comparable à celle d’autres
jeunes français. Autrement dit, il me semblait important de prendre en
compte la complexité de la société française, quarante ans après la
décolonisation et de la restituer dans notre bande dessinée. C’était
aussi un moyen de voyager dans un pays avec lequel la France n’a jamais
cessé d’avoir des liens.
Vous me direz : « et les autres événements
de la période 1939-45 ? ». Eh bien, ils sont traités en cours
d’histoire avec l’ensemble de la classe, comme la proposition de Monnet
d’une Union totale franco-britannique en juin 1940 (page 27).
On
sait que Monnet est devenu une personnalité publique lorsqu’il a été
nommé Commissaire au plan en 1946. Pour respecter ce passage de l’ombre
à la lumière, nous avons convenu, avec Jeanne, de ne montrer son visage
qu’à partir de cette date. Cependant, c’est en 1950 (au moment du
lancement de la CECA) qu’il est internationalement connu et reconnu de
tous en faisant la couverture du Time.
Tout
au long de l’enquête que font nos cinq lycéens de Cognac, j’ai été
attentive à ce que l’un ou l’autre soit en contact avec des lycéens des
pays qui ont formé la première communauté européenne. Écrivant sur Jean
Monnet, il me paraissait fondamental que notre bande dessinée ne soit
pas un album franco-français. Je veux dire que si, en France, Jean
Monnet et Robert Schuman se partagent la paternité de l’union
européenne, ils ne sont pas les seuls à avoir œuvré dans le sens de
l’union. En Belgique, par exemple, le père de l’Europe est Henri Spaak.
En Italie, Altiero Spinelli… Pour la même raison, l’album ne se termine
pas au Panthéon (à Paris) mais à Rome, sur les marches du Campidoglio
(mairie de Rome) où ont été signés les traités de Rome.
J.P: Pour répondre à votre question sur les différentes étapes de mon travail, Je vais me servir de la première planche de l’album.
Catherine
a pris un parti original dans cette première planche, celui de nous
plonger immédiatement dans un dialogue nourri entre les lycéens.
L’abondance
du texte ne me laissait pas l’espace pour une grande case
d’installation de l’action, comme c’est fréquemment le cas en début
d’album. Le découpage écrit prévoyait 8 cases. Je l’ai ramené à 7, pour
avoir des images plus grandes et éviter d’être redondante dans les
plans consacrés à l’échange entre les adolescents. Ensuite, pour
planter suffisamment le décor, j’ai introduit le plan de coupe de la
case 4 : la vue extérieure du lycée. Ce qui permet à la fois de situer
l’action, et de faire « respirer » une planche se déroulant par
ailleurs uniquement en intérieurs.
Cette
esquisse, agrandie au format A3, sert de base au crayonné définitif,
reporté par transparence à la table lumineuse. J’en précise les
détails, après quoi j’encre mon dessin, à la plume et au pinceau pour
les surfaces plus grandes.
L’éditeur fait
réaliser un scan de la page en noir et blanc, sur lequel la coloriste va pouvoir appliquer les couleurs.
Comment avez-vous travaillé ensemble ?
C.C.: Au
fur et à mesure de l’écriture du scénario, je donnais à lire à Jeanne
dialogues et récits déjà rédigés et nous en parlions. Parfois, elle me
convainquait de raccourcir tel fragment de texte ou, au contraire, d’en
expliciter un autre.
J.P.: De
même que Catherine m’a soumis son dialogue au fur et à mesure de
l’écriture, je lui ai soumis les esquisses des pages, en argumentant
les modifications qu’elles comportent. Ces modifications portaient
essentiellement sur le découpage, comme je l’ai indiqué précédemment.
Cet échange a été particulièrement important pour les images
métaphoriques des séquences sépia, dont nous discutions longuement les
crayonnés jusqu’à ce que nous en soyons satisfaites toutes les deux.
Catherine Cazalé, avez-vous
travaillé différemment avec votre dessinatrice sur la partie
contemporaine et sur les épisodes de la vie de Monnet vus en flash back
? Avez-vous participé au choix des images métaphoriques par exemple
ceux de la page 10?
C.C.: Bien
sûr, la partie contemporaine relève de la fiction, ce qui laisse plus
de liberté à l’imagination. Alors que nous avions de vraies contraintes
lorsque nous abordions les épisodes de la vie de Monnet vus en flash
back. Il ne s’agissait plus d'imaginer, mais de coller à la réalité des
époques traitées en utilisant une documentation rigoureuse et en
trouvant la voie métaphorique idoine.
Oui, nous avons quelques fois
choisi ensemble certaines images métaphoriques, comme celles des
vignettes cinq et six de la planche 10.
Le
dessin de la vignette cinq symbolise, en trois éléments forts, les
voyages de jeunesse de Jean Monnet : New-York, l’Egypte et le Canada.
Au premier plan, une statue de la liberté, bicéphale, où l’on reconnaît
une partie de celle sise à New York City, réalisée par, le sculpteur
français, Frédéric-Auguste Bartholdi et une partie du visage du sphinx
de Gizeh assortie, dans l’angle, d’une pyramide miniature. Hormis le
fait que la figure renvoie à deux voyages de Monnet, dans deux
continents, elle évoque aussi l’Orient et l’Occident réunis sous
l’égide de la Liberté. La feuille d’érable voletant est, bien entendu,
une évocation du Canada, autre pays que Jean Monnet a visité.
La
vignette six représente la première visite de Jean Monnet à New York,
avant la première guerre mondiale.Comment montrer New York, avant la grande guerre,
alors que nous avions déjà utilisé l’un de ses symboles dans la
vignette précédente ? En faisant un clin d’œil à l’œuvre d’Alfred
Stieglitz, ce grand photographe américain qui, dès 1903, donna une
vision naturaliste de la ville de New York.
Pouvez-vous, Jeanne Puchol, nous expliquer le choix des 10 images du bas de la planche 9 a la fin de la planche 10?
J.P.: Il
s’agit là de la première séquence sépia de l’album. Pour ces passages
de récit de sa vie par Monnet lui-même, Catherine a opté pour une
narration à la première personne s’inscrivant dans des cartouches
au-dessus des vignettes. Autre choix formel : ces pages obéissent au
principe du gaufrier (planche découpée en cases de même dimension) sur
huit images.
Pour éviter une simple illustration du propos, j’ai proposé à Catherine d’avoir recours à des images de deux sortes :
-
des images à caractère photographique pour les reconstitutions des
scènes évoquées, les portraits des personnalités, les monuments, les
documents d’époque (affiches, une de journaux),
- des images symboliques ou allégoriques relevant de l’illustration de presse pour les passages techniques ou abstraits.
Les deux images du bas de la planche 9 entrent dans la première catégorie.
Pour
la première, je retiens les mots « Cognac », « 1888 », « eau-de-vie »,
« concentration et lenteur ». Associée à la fois à la lenteur et au
passé, une gabarre passe sur la Charente devant le château de François
1er, chargée de barriques. Pour obtenir ce visuel, j’ai télescopé deux
documents trouvés sur Internet, une vue emblématique de la Charente à
Cognac et une photo ancienne de gabarre. La deuxième image suit
davantage le texte. Je me suis inspirée de la photographie de Monnet
enfant dans les chais en supprimant tous les autres personnages pour
donner l’impression de liberté et d’espace
La
planche 10 est presque exclusivement constituée d’images symboliques.
Celles-ci sont réalisées en associant une représentation visuelle à un
sens (par exemple pays = drapeau) et en combinant ces représentations…
jusqu’à ce que l’ensemble fonctionne. C’est le principe de la
métaphore, doublé d’un glissement sémantique du registre des mots à
celui des images. Pour illustrer notre méthode de travail, je
m’arrêterai à la première version de la case 4, elle représente la
Banque d’Angleterre à Londres, devant laquelle se presse une foule en
chapeau melon.
Cette
image réaliste détonne avec le reste de la page. Je décide alors de
garder la structure triangulaire du fronton de l’édifice, je remplace
les colonnes par des piles de pièces, je ne garde que les chapeaux de
ma foule, et voici un ensemble de signes visuels dont la combinaison
signifie « la City de Londres ».
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans la vie de Jean Monnet ?
C.C.: Son
incroyable volonté à œuvrer pour la paix et à trouver les moyens de la
réaliser. Volonté servie par une faculté de convaincre hors pair. Mais
aussi son sens de l’Économie et son côté visionnaire. Si on y
réfléchit, Jean Monnet avait prévu la mondialisation et une de ses
réponses consistait à s’y préparer très tôt en construisant une Europe
économique et sociale forte. Son énergie, son incroyable capacité de
travail, son pragmatisme, et sa grande humilité m’ont également
surprise et touchée.
J.P.: Confronté
aux situations les plus complexes, Monnet trouve toujours des solutions
d’un pragmatisme ahurissant dont on se demande bien pourquoi elles ne
sont pas venues à l’esprit des chefs d’Etat qui font appel à lui… Il
semble le plus souvent adapter avec génie des méthodes de gestion
d’entreprise familiale à des problèmes de géo-politique de grande
échelle. L’approvisionnement commun des forces alliées durant la
Première Guerre, bon sang, mais c’est bien sûr !… sauf que personne n’y
a pensé à part lui. Mais ce qui me frappe le plus, c’est son incroyable
force de conviction : il est arrivé à rallier à ses idées, et aux
solutions qu’il préconisait, les hommes les plus influents du XXe
siècle…
1 - Editions Fondation Jean Monnet pour l’Europe et Centre de recherches européennes, Lausanne, 2004 (462 pages).
2 - Fayard, 1996.
3 - Editions Découvertes Gallimard,1999.
4 - Publications de la Sorbonne, Paris, 1999.
5 - Bruxelles, Editions Complexe, 1999.
6 - Fayard, 2000.